Lorsqu'on découvre les ouvres de Jean-François de FAYS, on est
d'abord frappé par leur simplicité et leur pureté, qui
les rapprochent de l'abstraction la plus intransigeante. Pourtant, à y
regarder de plus près, n'est-ce pas un animal, une forme humaine, un
fragment de paysage qui se détachent du fond blanc de la feuille ?
Jean-François de Fays détourne à sa manière la
technique de la gravure ; au passage successif de la plaque dans les bains
d'acide, au lent travail à la pointe et au brunissoir, il préfère
le geste spontané, le surgissement instantané de la forme. " Comme
un chasseur de papillon, j'essaye de capter les accidents et je les collectionne ", dit-il.
L'artiste découpe des formes dans du papier, du carton, étale
l'encre sur ces formes qui se poseront ensuite sur la plaque de gravure, se
chevauchant, se heurtant parfois, dépassant du cadre, créant
des ouvertures et amenant des tensions.
Jean-François de Fays est à la
recherche de ce point d'équilibre
entre l'image mentale, sa charge émotionnelle, et l'exigence d'harmonie,
de pureté, de simplicité formelle.
Son travail, pourtant résolument
inscrit dans la planéité,
suggère aussi le passage d'une dimension à une autre. Les formes
compactes, fermées, distinctes, dont certaines gravitent autour de larges
aplats de couleur, investissent le blanc du papier et suggèrent la rencontre
entre un absolu inaccessible, une sorte de plan spirituel, et la réalité matérielle.
Le monotype, art de l'empreinte, metaphorise alors la présence de cet
au-delà, et sa matérialisation : et l'artiste de rappeler,
non sans malice, que l'épreuve obtenue lors d'un second tirage est souvent
appelée un fantôme.
Dans ses travaux récents, Jean-François
de Fays ne se contente plus de suggérer des espaces sur la feuille.
Par l'usage de papiers translucides, et leur installation à la verticale,
c'est l'espace lui-même,
et le lieu d'exposition qui sont transformés. Le spectateur est invité à tourner
autour des ouvres, à en effleurer la délicate texture, à en éprouver
la fragilité.
Ces installations qui emplissent l'espace comme le feraient
des notes de musique permettent à l'artiste de penser l'estampe dans
un nouveau rapport au lieu et à l'espace, la tirant vers la sculpture
et l'installation.
Comment d'ailleurs ne pas parler de musique à propos
de Jean-François
de Fays, lui-même musicien et compositeur reconnu ? Comme Klee ou
De Staël, il semble chercher dans la peinture, la gravure, une certaine
concordance, un idéal d'harmonie. "Les rythmes, ce sont des jeux
entre des formes précises, qui se répondent dans l'espace de
la toile comme les motifs musicaux se répondent dans le temps d'une ouvre. "
Et
si le vocabulaire formel de Jean-François de Fays peut surprendre
par sa grande simplicité, c'est que comme il le dit lui-même,
l'artiste aime la liberté dans la contrainte. Une contrainte qui resserre
le vocabulaire, mais dans le même temps cerne précisément
le champ de travail, d'intervention, et " assigne à résidence ".
" La liberté pure est finalement une vieille avaricieuse.
François BONNELLE